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L’épopée de l’Aquarius
Construction du tout premier prototype de bathyscaphe avec ballast à gaz, par Heinz Sellner et Philippe Tailliez
samedi 11 février 2017, par
Premier commandant du Groupe de Recherche sous-marine (GRS) de la Marine Nationale française à Toulon, Philippe Tailliez a assuré le soutien logistique des premières expérimentations du bathyscaphe FNRS-2 d’Auguste Picard, auxquelles il avait convaincu la Marine Nationale française de participer.
Le Groupe d’Études et de Recherches Sous-marines (GERS) qu’il commanda ensuite, participa aux essais et plongées du bathyscaphe FNRS-3, jusqu’au record de plongée profonde à 4050 mètres établi le 15 février 1954.
![]() Bathyscaphe FNRS 2 (1948)
Première plongée au large de Dakar. N’atteindra que la profondeur de 25m avec Auguste Piccard et Théodore Monod à son bord.
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![]() Bathyscaphe FNRS 3 (1953)
En été 1953, Georges Houot (pilote) et Pierre Willm (ingénieur) commencent les essais du FNRS 3 en Méditerranée. Ils atteignent rapidement 2100 mètres. Le 15/02/1954 au large de Dakar, le FNRS3 fait une plongée record de 4050m. Le FNRS 3 est désarmé en 1960 après avoir effectué 93 plongées profondes.
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La rencontre entre l’ancien soldat allemand Heinz Sellner et Philippe Tailliez se produisit en 1955 alors que Tailliez commandait la flottille du Rhin de la Marine Nationale, stationnée à Koblenz dans une zone de l’Allemagne alors occupée par les forces militaires françaises.
Heinz Sellner lui raconta que pendant qu’il était prisonnier des russes à Mourmansk, il était parvenu à construire un sous-marin à ballast à gaz, avec lequel il avait plongé à 2400 mètres de profondeur, en août 1947 dans la mer des Barents, bien avant les records de plongée profonde que réalisèrent plus tard les différents bathyscaphes.
![]() André Laban, Philippe Tailliez et Heinz Sellner
Sur le chantier de Budenheim en 1957.
(© Collection Philippe Tailliez) |
![]() Philippe et Heinz Sellner dans le cylindre des machines de l’Aquarius II
Chantier de la grande-Bigue, été 1958.
(© Collection Philippe Tailliez) |
Malgré les efforts de Philippe Tailliez pour l’en convaincre, la Marine Nationale -déjà engagée dans le programme des bathyscaphes- refusa d’apporter tout soutien à la construction d’un prototype de ce nouveau type de submersible à ballast à gaz.
Un soutien financier privé, accordé par l’Office Français de Recherche Sous-Marine (OFRS), permit cependant de mener à bien la construction artisanale d’un prototype de 20 tonnes qui mesurait 15 mètres de long.

(© Collection Philippe Tailliez)
Toutefois, malgré 18 mois du travail acharné de Heinz Sellner, le projet finira par capoter faute de disposer d’un financement approprié, et ce en dépit des efforts de Philippe Tailliez.
Pour témoigner de leur expérience commune de construction artisanale d’un prototype, des raisons de l’échec de cette tentative, et pour relater le récit donné par Sellner de son extraordinaire aventure jusqu’à la plongée de 1947 à 2400 mètres de profondeur en Mer de Barents, le Commandant Tailliez écrira l’ouvrage intitulé AQUARIUS, publié en 1961.

Quatrième de couverture de l’ouvrage Aquarius (1961) :
« Demain, de par le monde, la publication de ce livre peut avoir des répercussions importantes. Dans notre siècle à trois dimensions il va aider à détruire le vieux mythe de la mer profonde et davantage encore… Il est né de la rencontre de deux hommes hors série : Philippe Tailliez, qui depuis 1930 a consacré presque toute sa carrière d’officier de marine à la recherche sous-marine, et Heinz Sellner, passionné de travaux sous-marins à grande profondeur. En 1955, le capitaine de frégate Tailliez commande, par paradoxe, la Flottille du Rhin. Sur les rives de ce fleuve, au lendemain d’une plongée dans un gouffre jusqu’ici invaincu, le destin met Tailliez face à face avec Sellner, lequel lui raconte une histoire fabuleuse. Sept ans avant la plongée à 4050 mètres de Houot et de Willm, treize ans avant celle à 11000 mètres de Picard et Don Walsh, Sellner aurait plongé seul à 2400 mètres, au large de Mourmansk dans un engin de sa conception, à ballast à gaz.
Dès lors commence une épopée admirable. Au prix d’une tâche surhumaine, Sellner, soutenu par Tailliez, construit de ses mains, avec des moyens de fortune l’Aquarius. In extremis les deux hommes doivent renoncer à poursuivre cet effort démesuré. Mais si Tailliez sait dorénavant qu’aucun miracle artisanal ne peut remplacer des moyens industriels, il est plus que jamais convaincu de la valeur du principe du sous-marin à ballast à gaz et de ses possibilités d’exploration et d’exploitation des profondeurs marines. En 1960, il quitte la Marine et fonde la société Aquarius dont l’objectif est de prouver la validité du nouveau principe. A l’heure ou commence l’exploration du cosmos, Philippe Tailliez veut faire toucher du doigt l’incroyable timidité de l’homme à l’égard des profondeurs marines. N’est-il pas paradoxal que, de nos jours, la mer soit encore aussi vierge en son épaisseur, de même que les fonds marins qu’elle recouvre, que les forêts de la terre l’étaient au temps des chasseurs de la préhistoire.
Les temps sont venus d’inventer, d’innover les techniques concernant la mer, d’y transposer en quelque sorte toutes celles héritées de la terre. Or l’Aquarius représente une mutation, au sens biologique, capable de lancer hors des chemins battus la paresseuse et égoïste carcasse qu’est la technique. Aquarius, l’histoire de deux hommes qui ont la foi, une porte qui s’ouvre sur le monde de demain. »
Guy Fournié & Patrice Lardeau - Aquarius, L’Étrange Aventure (2016)
Réalisation :
Guy Fournié & Patrice Lardeau
Résumé :
Ce film relate l’histoire de la fascinante amitié qui a uni, après la seconde guerre mondiale, deux hommes qui n’auraient jamais dû se rencontrer : le Français Philippe Tailliez et l’Allemand Heinz Sellner.
Ensemble, ils décident de construire un engin sous-marin expérimental destiné à relever des épaves gisant à grande profondeur. Un long travail de construction de ce prototype de bathyscaphe les attend. Le Commandant Tailliez pourra compter sur l’aide de son vieil ami Jacques-Yves Cousteau et de son équipe de l’Office Français de Recherches Sous-Marines.
Voir en ligne : Article très détaillé en anglais ’Aquarius in Question’ de William Firebrace